14 juillet 1789 : Le petit peuple et la milice bourgeoise de Paris prennent la Bastille, une forteresse symbolique de la toute-puissance royale.
Cette insurrection réussie accélère considérablement le processus de mobilisation populaire, initiant durant la seconde moitié de juillet deux aspects classiques d’une crise révolutionnaire :
* celle d’instauration d’un double pouvoir émanant de la société en particulier dans les villes par la révolution municipale bourgeoise
* celle d’une crise d’autorité des privilégiés et des élites : c’est particulièrement évident dans les milieux ruraux où les châteaux flambent, où les titres de propriété sont brulés...
Quatre aspects de la situation politique française succédant au 14 juillet méritent d’être pointés :
* une révolution sociale spontanée dans les campagnes : la grande peur
* une révolution municipale dans les villes au profit de la bourgeoisie
* l’isolement politique de la haute noblesse intransigeante qui commence à émigrer
* une crise de direction politique du pays
1) Grande peur et guerre sociale paysanne de l’été 1789
Le fait essentiel des trois semaines suivant le 14 juillet consiste en une mobilisation multiforme du milieu rural : regroupement armé pour chasser des "brigands" annoncés ici et là, émeutes alimentaires, attaque de seigneurs particulièrement haïs et de leurs châteaux, soulèvement contre le système aristocratique dans certains secteurs...
D’après la remarquable étude de Georges Lefebvre (La grande peur de 1789), la crainte d’un complot aristocratique constitue un aspect unifiant de cette guerre sociale, parfois sa cause, parfois sa conséquence. S’il a peut-être surestimé cet aspect, sur le fond il a évidemment raison de voir essentiellement dans la grande peur un processus d’organisation, d’autodéfense et d’action locale de la paysannerie dont l’aristocratie fait les frais.
Le roi, la noblesse, le clergé et la bourgeoisie urbaine auraient peut-être pu trouver les bases d’un compromis. Mais la prise de la Bastille a un impact révolutionnaire exceptionnellement symbolique : si ce grand château de Paris a été pris contre le roi, contre l’armée, contre les privilégiés, qu’est-ce qui empêche les miséreux crevant de faim, méprisés comme des chiens par les nobles et le haut clergé, de prendre le château près de chez eux dont l’ombre les a soumis depuis des générations ? , Prise de la Bastille, perte d’autorité morale des autorités locales féodales, grand nombre de miséreux n’ayant rien à perdre, haine paysanne contre l’aristocratie se confortent pour déstabiliser l’ordre social et empêcher un compromis à l’anglaise entre noblesse et grande bourgeoisie.
De plus, nous sommes au temps des moissons. Les agriculteurs craignent pour leurs récoltes. Des rumeurs circulent, faisant état de bandes de brigands, de complot aristocratique pour affamer le peuple, d’invasion étrangère. Les paysans s’arment, s’organisent.
Plusieurs historiens ont employé le terme de guerre sociale pour décrire la profondeur du soulèvement rural qui prend les châteaux, brûle les titres de servitude, les archives fondant la dîme et le champart.
Une majorité de la bourgeoisie choisit de canaliser cette "guerre sociale" pour sauvegarder et renforcer son nouveau pouvoir face au monde aristocratique. La révolution s’approfondit chaque semaine un peu plus
2) La révolution municipale de juillet 1789
La France de 1789 présente déjà un aspect urbain incompatible avec les institutions, le rapport de force social et la vie économique du mode de production féodal.
L’insurrection parisienne qui conduit à la prise de la Bastille n’aurait pas eu son retentissement d’alors sans des conditions mûres dans le réseau de villes grandes et moyennes. Les révolutions urbaines de juillet 1789 répondent à des motivations diverses ; elles éclatent pour dénoncer le manque de subsistances (Rouen), après le renvoi de Necker (Dijon) ou à l’annonce de la prise de la Bastille (Montauban).
Dans certaines villes la dualité de pouvoir correspond à un rapport de forces resté instable. Dans les villes du Nord et du Midi à fortes traditions communales, l’ancien corps municipal reste en place, accroissant seulement son pouvoir au détriment des représentants de la royauté. Dans des villes comme Bordeaux ou Montauban où la monarchie avait imposé des officiers municipaux, le pouvoir de ceux-ci est balayé. Partout, la révolution municipale s’accompagne de la formation d’une garde nationale armée.
"Quelles qu’aient été les formes de cette révolution municipale, les effets furent partout identiques : le pouvoir royal s’évanouit, la centralisation disparaît, presque tous les intendants abandonnent leur poste, la perception des impôts est suspendue". (Albert Soboul)
3) Conséquence politique de la prise de la Bastille : une crise de direction politique du pays.
De nombreux historiens font de la faiblesse de Louis XVI une des causes de la Révolution. Pouvait-il faire mieux dans la semaine précédant le 14 juillet ? Manque-t-il d’autorité et de sens politique après la prise de la Bastille ? Je ne crois pas. Il tente d’initier un compromis avec la bourgeoisie urbaine au sommet de l’Etat et au travers des structures communales.
C’était bien là la seule perspective possible afin d’élargir la base sociale du régime, stabiliser de nouveaux pouvoirs locaux, rétablir une certaine confiance dans la capacité de l’Etat à sortir de la crise.
* le 16 juillet, Louis XVI rappelle Necker et en fait le Premier ministre des finances, prenant de l’autonomie par rapport à la clique des nobles réactionnaires de la cour.
* le 17, Louis XVI se rend au quartier général des vainqueurs, l’Hôtel de Ville de Paris, validant ainsi les décisions prises par la foule au soir du 14 ( Bailly comme maire de Paris et Lafayette commandant en chef de la milice bientôt nommée "Garde nationale").
* Une révolution urbaine relaie l’insurrection parisienne dans les villes de province. Les représentants de l’Etat royal laissent une élite bourgeoise imiter Paris en s’appuyant sur le développement d’une Garde nationale.
Le double pouvoir paysan instauré par la grande peur se double ainsi d’un double pouvoir urbain sous la forme de "communes". La mise en place de municipalités élues donne déjà la forme politique vers laquelle va évoluer la Révolution.
4) Conséquence politique de la prise de la Bastille puis de la grande peur : début d’émigration de la haute noblesse
Après le 14 juillet, Louis XVI considère ne pas disposer du rapport de forces suffisant pour écraser l’insurrection parisienne. Il temporise donc, donnant des signes de bonne volonté pour apaiser le peuple. En particulier, il annonce le 15 juillet que les troupes quittent Paris et ses environs.
Aussitôt, l’émigration de nobles vers les royaumes et principautés voisines commence. Au lendemain de la prise de la Bastille, le duc de Luxembourg, le comte d’Artois, le prince de Condé, le duc d’Enghien... partent pour l’étranger. Le surlendemain, les Polignac, Lauzun, Mortemart, Beauvau, Duras, D’Harcourt, Fitz-James, Breteuil, Broglie, Lambesc... prennent aussi le chemin de l’émigration.
Durant ces journées, l’émigration noble a pour cause des raisons politiques. Ils ne sont pas en danger. Partis en emportant leurs biens les plus précieux (argent, or...), aucun n’est intercepté en route. Ce départ des élites en place et cette fuite de capitaux génère et multiplie le sentiment populaire d’un vaste complot des châtelains pour écraser le peuple avec l’aide des puissances étrangères.
Avec la "Grande peur" commence une autre émigration causée par la crainte de la révolution en cours : elle concernera environ 130000 personnes.
CONCLUSION
Quand commence le mois d’août 1789, une question hante toute la noblesse, tout le clergé et même une grande partie de la bourgeoisie : comment stopper le soulèvement populaire ? Ils vont vainement essayer d’y répondre par l’abolition des privilèges seigneuriaux durant la célèbre nuit du 4 août.
Jacques Serieys
c’est trop pourie
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